La forêt Miroitante s’assombrissait à mesure que Philippine et Céleste suivaient Iana plus profondément dans ses entrailles. Les arbres se faisaient plus denses, et leurs troncs argentés reflétaient la lumière de façon étrange, créant des illusions qui rendaient difficile de distinguer le vrai chemin.
« Où m’emmènes-tu, Iana? » demanda Philippine, essoufflée, après près d’une heure de chevauchée.
« À l’endroit où j’ai appris à parler, » répondit énigmatiquement le chat. « Au Sanctuaire des Reflets. »
Philippine n’avait jamais entendu parler d’un tel lieu, mais elle faisait confiance à son compagnon félin. Iana avait toujours été plus qu’un simple chat, et aujourd’hui plus que jamais, elle sentait qu’il y avait un secret important derrière ces yeux verts perçants.
Soudain, la forêt s’éclaircit, et ils débouchèrent dans une clairière parfaitement circulaire. Au centre se dressait un étang d’eau si claire qu’elle semblait faite de cristal liquide. Tout autour, des miroirs anciens de toutes tailles et de toutes formes étaient disposés en cercle, certains suspendus aux branches des arbres, d’autres plantés directement dans le sol.
« Bienvenue au Sanctuaire des Reflets, » annonça Iana en s’avançant vers l’étang.
À la grande surprise de Philippine, le pelage d’Iana commença à briller d’une lueur argentée. Les motifs sur sa fourrure, que Philippine avait toujours pris pour de simples marques, s’animèrent et formèrent des symboles complexes qui scintillaient comme des constellations.
« Iana, que se passe-t-il? Qui es-tu vraiment? » demanda Philippine, abasourdie.
Le chat se tourna vers elle, ses yeux brillant maintenant d’une lueur surnaturelle.
« Je suis une Gardienne des Reflets, » expliqua Iana. « Mon rôle est de protéger l’équilibre entre les êtres et leurs reflets, leurs identités. Je veille sur ta famille depuis ta naissance, Philippine. »
« Une Gardienne… mais pourquoi? Pourquoi ma famille? »
« Parce que ta lignée a toujours eu un lien particulier avec les miroirs et les reflets. Ta capacité à communiquer avec les chevaux vient de ton aptitude à refléter leurs émotions, à créer un pont entre votre essence. »
Philippine descendit lentement de Céleste, essayant d’assimiler ces révélations. Elle s’approcha de l’étang, mais Iana l’arrêta d’un geste.
« Attention, » prévint le chat. « Cet étang montre non pas ton reflet physique, mais l’état de ton essence intérieure. En ce moment, elle est fragilisée par l’attaque du Reflet Voleur. »
« Comment puis-je vaincre cette créature et sauver ma sœur? » demanda Philippine, désespérée.
« D’abord, tu dois comprendre ce qu’est réellement le Reflet Voleur, » répondit Iana en s’asseyant au bord de l’étang. « Il n’est pas né maléfique. C’était autrefois un Gardien, comme moi, chargé de protéger les reflets des enfants qui cherchaient leur identité. Mais il a été corrompu par la peur et la jalousie qu’il percevait chez ceux qu’il devait protéger. »
« Comme Léa, » murmura Philippine, comprenant soudain. « Elle a peur de ne jamais trouver son propre talent, alors elle préfère copier le mien. »
« Exactement, » confirma Iana. « Le Reflet Voleur se nourrit de cette peur. Il amplifie le désir de Léa d’être comme toi jusqu’à ce qu’elle perde complètement son identité propre. Et plus elle absorbe de ton essence, plus le Reflet Voleur devient puissant. »
« Mais j’ai essayé de l’affronter directement, et j’ai échoué, » se désola Philippine.
« Parce que ce n’est pas ainsi qu’on combat le Reflet Voleur, » expliqua Iana. « La force brute ne fait que le renforcer. Tu dois utiliser sa propre nature contre lui. »
Iana s’approcha d’un des miroirs anciens et posa sa patte dessus. Le miroir s’illumina, montrant des images de Philippine et Léa plus jeunes, jouant ensemble harmonieusement.
« Te souviens-tu de ces moments? » demanda doucement Iana. « Avant que la compétition et la jalousie ne s’installent entre vous? »
Philippine s’approcha du miroir, touchée par ces souvenirs. « Oui, nous étions si proches… »
« Et te rappelles-tu des moments où tu as aidé Léa à découvrir des choses qu’elle aimait faire, des choses différentes de tes propres passions? »
Un autre miroir s’illumina, montrant Léa dessinant avec talent tandis que Philippine l’encourageait.
« Son don pour le dessin, » se souvint Philippine. « Elle créait des images magnifiques des chevaux que j’aimais tant. »
« Ces souvenirs sont des exceptions, » expliqua Iana. « Des moments où le Reflet Voleur n’avait aucune emprise sur votre relation, car vous célébriez vos différences au lieu de les craindre. »
Philippine toucha le miroir du bout des doigts, sentant une chaleur réconfortante l’envahir. Une petite partie de son aura, qui s’était affaiblie après l’attaque, se raviva.
« Comment puis-je utiliser ces souvenirs pour vaincre le Reflet Voleur? » demanda-t-elle.
« Tu dois rappeler à Léa qui elle est vraiment, » répondit Iana. « Pas une copie de toi, mais une personne avec ses propres talents et qualités. Et pour cela, tu dois d’abord renforcer ta propre identité. »
Iana guida Philippine vers l’étang central.
« Regarde ton reflet intérieur, Philippine. Vois ce qui te rend vraiment unique. »
Avec appréhension, Philippine se pencha au-dessus de l’eau cristalline. Au lieu de voir son visage, elle vit une constellation de souvenirs, d’émotions et de qualités qui formaient son essence. Son amour pour les chevaux, sa détermination, sa créativité, sa gentillesse… mais aussi ses doutes, ses peurs, et son irritation parfois face au comportement de sa sœur.
« Je vois… tout ce que je suis, » murmura-t-elle, fascinée.
« Maintenant, » dit Iana, « prends l’un de ces aspects de toi-même que tu as négligé, quelque chose qui te rend unique mais que tu n’as pas pleinement embrassé. »
Philippine observa attentivement et remarqua une petite lueur bleue qui pulsait faiblement : sa capacité à raconter des histoires, à créer des mondes imaginaires qu’elle avait délaissée en grandissant.
« Mon imagination, » réalisa-t-elle. « Quand j’étais plus petite, je créais des histoires pour Léa. Des contes de chevaux magiques et de royaumes enchantés. Elle adorait ça, et c’était quelque chose que je faisais uniquement pour elle. »
« Exactement, » approuva Iana. « Le Reflet Voleur ne peut pas voler ce qu’il ne comprend pas. L’imagination pure, la création originale, est son point faible. »
La lueur bleue dans le reflet de Philippine s’intensifia, et elle sentit une nouvelle force l’envahir. Son aura se modifia légèrement, intégrant des nuances de bleu profond qui n’étaient pas présentes auparavant.
« Je sens… quelque chose de différent, » dit-elle, surprise.
« Tu redécouvres une partie de toi-même, » expliqua Iana. « Et en faisant cela, tu rends plus difficile pour le Reflet Voleur de te copier. Il ne peut reproduire que ce qui est visible et défini. L’imagination pure est fluide, constamment changeante, impossible à saisir pleinement. »
Philippine se redressa, un nouvel espoir brillant dans ses yeux.
« Alors je dois utiliser mon imagination pour aider Léa à redécouvrir la sienne? Pour qu’elle se rappelle qu’elle n’a pas besoin d’être moi? »
« C’est une partie de la solution, » confirma Iana. « Mais il y a plus. Viens, il est temps que je te montre quelque chose d’important. »
Le chat s’approcha du plus grand des miroirs anciens, celui qui se dressait face à l’étang. Il posa ses deux pattes avant sur sa surface et ferma les yeux.
Le miroir s’anima, montrant non pas un reflet mais une fenêtre vers un autre lieu : un atelier rempli de miroirs en construction ou en réparation. Au centre se tenait une silhouette encapuchonnée au visage fait d’un miroir intact – similaire au Reflet Voleur, mais sans la qualité brisée et déformée.
« Qui est-ce? » demanda Philippine.
« Le Maître des Miroirs, » répondit Iana. « Le créateur de tous les Gardiens des Reflets, y compris moi et celui qui est devenu le Reflet Voleur. Il peut nous aider, mais son atelier est difficile d’accès. »
« Où se trouve-t-il? »
« Au centre de la Forêt Miroitante, dans un lieu qui n’existe que lorsque la lune est pleine et se reflète parfaitement dans sept miroirs alignés. » Iana regarda le ciel à travers les branches. « Ce qui se produira ce soir. »
« Alors nous devons nous préparer, » décida Philippine, une nouvelle détermination dans la voix. « Je dois sauver ma sœur avant que le Reflet Voleur ne prenne complètement possession d’elle. »
« Il y a un défi que tu dois relever avant, » prévint Iana. « Pour accéder à l’atelier du Maître des Miroirs, tu dois prouver que tu comprends la nature des reflets et des identités. Tu devras affronter le Miroir Enchanté qui garde l’entrée. »
« En quoi consiste cette épreuve? »
« Le Miroir Enchanté te montrera des reflets de toi-même – certains vrais, d’autres faux. Tu devras distinguer ce qui fait vraiment partie de toi et ce qui n’est qu’illusion. »
Philippine hocha la tête, déterminée malgré sa peur.
« Je suis prête à essayer, » affirma-t-elle. « Pour Léa, je ferai tout ce qu’il faut. »
« Alors repose-toi un peu, » conseilla Iana. « Tu auras besoin de toutes tes forces pour l’épreuve qui t’attend. »
Philippine s’assit près de l’étang, caressant distraitement la crinière de Céleste qui s’était allongée à ses côtés. Dans le reflet de l’eau, elle voyait son essence continuer à se renforcer, les souvenirs de créativité et d’imagination ravivant son aura affaiblie.
Elle se mit à penser à des histoires qu’elle pourrait raconter à Léa, des contes qui célébreraient leur individualité tout en honorant leur lien de sœurs. Peut-être que ces histoires seraient la clé pour atteindre sa sœur au-delà de l’emprise du Reflet Voleur.
Alors que le soleil descendait lentement vers l’horizon, Philippine se préparait mentalement pour l’épreuve du Miroir Enchanté, sachant que ce serait la première étape vers la libération de sa sœur et la confrontation avec le Reflet Voleur.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 34