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La semaine suivante apporta un défi inattendu. Madame Corail annonça un projet spécial pour la classe : chaque élève devait travailler en binôme pour créer une présentation sur un habitat marin de leur choix.
« Et pour que vous fassiez connaissance, je vais former les équipes moi-même, » déclara-t-elle avec un sourire encourageant, jetant un coup d’œil significatif vers Léane.
L’Ombre de la Solitude, qui s’était tenue relativement tranquille ces derniers jours grâce aux techniques enseignées par Finn, s’agita soudain. « Elle va te mettre avec quelqu’un qui te détestera, » murmura l’Ombre. « Quelqu’un qui se moquera de tes idées. »
Instinctivement, Léane porta la main à la Pierre de Mémoire qui pendait à son cou et prit quelques Souffles de Dauphin, comme Finn le lui avait appris. La voix de l’Ombre s’atténua légèrement.
« Léane, » appela Madame Corail, « tu travailleras avec Maya sur les récifs coralliens. »
Maya. C’était la fille aux cheveux noirs tressés comme des algues, celle qui avait dit que les dauphins étaient « tellement ordinaires ». L’Ombre ricana doucement.
Pendant la récréation, Léane chercha Maya dans la cour. Elle la trouva assise avec un groupe d’amies, toutes parlant avec animation de leurs projets.
« Excuse-moi, » dit Léane doucement, utilisant inconsciemment la Chanson de l’Écho pour projeter sa voix malgré sa timidité. « Je suis Léane. Madame Corail nous a mises ensemble pour le projet sur les récifs coralliens. »
Maya leva les yeux, et pendant un instant, Léane crut voir une ombre similaire à la sienne flotter autour de la fille. Mais c’était différent – moins une ombre de solitude que de… quelque chose d’autre.
« Je sais qui tu es, » répondit Maya avec un soupir exagéré. « La fille qui ne parle jamais et qui est obsédée par les dauphins. Écoute, je veux une bonne note pour ce projet, alors on va devoir travailler ensemble, mais c’est moi qui déciderai comment on présente les choses, d’accord ? »
L’Ombre de la Solitude grandit, s’enroulant autour des épaules de Léane comme une écharpe glacée. « Elle te trouve stupide, » chuchota l’Ombre. « Tu vois ? Personne ne veut vraiment travailler avec toi. »
Léane sentit sa confiance vaciller. Puis elle se souvint des paroles de Finn : « La passion donne du pouvoir à la voix la plus douce. »
Elle prit un autre Souffle de Dauphin et dit, d’une voix un peu plus assurée : « J’ai quelques idées pour le projet. Les récifs coralliens sont des écosystèmes fascinants qui abritent près d’un quart de toutes les espèces marines, alors que… »
À sa grande surprise, Maya l’interrompit non pas pour la rabaisser, mais avec curiosité : « Comment tu sais tout ça ? »
« J’ai beaucoup de livres sur la vie marine, » expliqua Léane, sentant l’Ombre relâcher légèrement son emprise. « Mon père, le Cap—euh, mon père me les rapporte de ses voyages. »
« Ton père voyage beaucoup ? » demanda Maya, soudain intéressée.
« Il est capitaine… il explore des mers lointaines, » dit Léane, mélangeant intentionnellement la réalité avec le monde métaphorique qu’elle s’était créé.
« Cool, » admit Maya à contrecœur. Puis, baissant la voix pour que ses amies n’entendent pas, elle ajouta : « Mon père aussi est parti. Mais lui, il n’explore rien du tout. Il a juste… trouvé une nouvelle famille. »
Léane sentit son cœur se serrer. Elle comprenait maintenant – l’ombre autour de Maya n’était pas l’Ombre de la Solitude, mais peut-être une Ombre d’Abandon, ou de Chagrin.
« Je suis désolée, » dit-elle doucement.
Maya haussa les épaules, reprenant aussitôt son masque d’indifférence. « Peu importe. Alors, ces récifs coralliens – tu crois qu’on pourrait faire une maquette ? »
Elles convinrent de se retrouver après l’école dans la bibliothèque marine pour commencer leurs recherches. L’Ombre de la Solitude suivait toujours Léane, mais elle semblait moins assurée, comme déconcertée par ce développement inattendu.
Plus tard ce jour-là, alors qu’elles parcouraient ensemble d’énormes livres illustrés sur les récifs coralliens, Léane remarqua qu’un petit poisson rayé bleu et jaune nageait en cercles erratiques près de la fenêtre de la bibliothèque. Il semblait désorienté et effrayé.
« Regarde, » dit-elle à Maya, pointant vers le poisson. « Je crois que c’est un poisson-demoiselle juvénile. Il a dû s’éloigner de son groupe. »
Maya haussa les épaules. « Et alors ? Il finira par retrouver son chemin. Ou pas. »
Mais Léane ne pouvait détacher son regard du petit poisson. Il lui rappelait trop sa propre situation – perdu dans un nouvel environnement, séparé de ses repères familiers.
« Je reviens dans une minute, » dit-elle, se levant avant que Maya puisse protester.
Elle sortit de la bibliothèque et s’approcha du poisson qui tournait maintenant en cercles de plus en plus serrés, signe de détresse chez de nombreuses espèces marines.
« Hé, petit, » murmura-t-elle doucement. « Tu es perdu, n’est-ce pas ? »
Elle tendit la main lentement, sachant qu’un mouvement brusque effraierait davantage le poisson. À sa grande surprise, le poisson-demoiselle s’arrêta, la regarda avec de grands yeux brillants, puis nagea jusqu’à sa paume ouverte.
« C’est ça, » encouragea Léane. « N’aie pas peur. »
Elle examina les environs et repéra un groupe de poissons-demoiselle adultes près d’une formation de corail à une cinquantaine de mètres. Se déplaçant délicatement pour ne pas effrayer son nouveau petit ami, elle nagea vers eux.
Les poissons adultes s’agitèrent à son approche, mais lorsqu’ils virent le juvénile dans sa main, ils s’approchèrent avec prudence. Léane ouvrit ses doigts, permettant au petit poisson de rejoindre sa famille. Il tournoya joyeusement autour d’elle avant de disparaître parmi les autres.
« Merci, gentille exploratrice, » sembla dire son mouvement de nageoire.
Quand Léane retourna à la bibliothèque, elle trouva Maya à la fenêtre, l’observant.
« C’était… vraiment cool ce que tu as fait, » admit Maya. « Comment as-tu su que c’était un poisson-demoiselle et où trouver sa famille ? »
Léane sourit, sentant une chaleur se répandre dans sa poitrine. « J’observe beaucoup les animaux marins. Quand on déménage souvent, c’est une façon de se sentir chez soi – les créatures marines sont partout, juste différentes selon les endroits. »
Maya la regarda avec un intérêt nouveau. « Tu as déménagé combien de fois ? »
« Trois fois depuis la naissance de mon petit frère, » répondit Léane. « Et plusieurs fois avant ça. »
« Ça doit être dur, » dit Maya, avec une compréhension qui surprit Léane.
« Parfois, » admit-elle. « C’est comme… comme avoir une ombre qui te suit partout, qui te rappelle que tu es toujours l’étrangère. »
Maya hocha la tête lentement. « Je connais ce sentiment. »
Un silence confortable s’installa entre elles, et pour la première fois depuis son arrivée à Récif-Nouveau, Léane sentit qu’elle avait peut-être trouvé quelqu’un qui pourrait devenir une amie.
Elles travaillèrent ensemble jusqu’à ce que le soleil commence à décliner, élaborant un plan impressionnant pour leur maquette de récif corallien. Avant de se séparer, Maya hésita, puis demanda :
« Tu voudrais… peut-être… manger avec nous demain à la cantine ? »
Le cœur de Léane fit un bond, et elle sentit l’Ombre de la Solitude reculer encore plus. « J’aimerais beaucoup ça, » répondit-elle avec un sourire.
Sur le chemin du retour, Léane passa par le grand récif pour voir si Finn était là. Elle le trouva nageant paresseusement entre les coraux.
« J’ai utilisé ce que tu m’as appris aujourd’hui, » lui raconta-t-elle excitée. « Le Souffle du Dauphin m’a donné le courage de parler, et la Chanson de l’Écho m’a aidée à me faire entendre. Et j’ai même aidé un petit poisson perdu à retrouver sa famille ! »
Finn fit un looping joyeux. « Tu vois ? Tu es une véritable exploratrice maintenant – tu n’explores pas seulement des lieux, mais aussi des cœurs. »
« Mais l’Ombre est toujours là, » dit Léane, remarquant la forme sombre qui attendait à distance, moins imposante mais toujours présente.
« Elle sera toujours là, d’une certaine façon, » admit Finn. « Mais chaque jour, tu apprends à la maintenir à sa place. Et bientôt, tu découvriras qu’elle a aussi quelque chose à t’apprendre. »
Léane ne comprenait pas bien ce que Finn voulait dire, mais elle était trop heureuse de ses progrès pour s’en inquiéter. Cette nuit-là, elle s’endormit en serrant sa Pierre de Mémoire, qui brillait doucement dans l’obscurité, maintenant l’Ombre à distance.
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L’aventure continue !
Identifiant de l’histoire : 40